Quel est l'état de la population en
1789 ? Une enquête du 15.11.9O indique
que 1 857 habitants sont domiciliés à
Saint-Loup, répartis en 465 "feux",
c'est-à-dire ménages. La ville compte
11O malades et 35 mendiants vagabonds.
Aucun fonds propre ne permet
d'assister les malades et les
malheureux. Le curé DESCHARRIERE
revendique les 2O6 livres de revenu de
l'Hôpital de la ville que les moines
d'Erival touchent injustement. Le curé
préconise par ailleurs qu'on occupe
des mendiants dont certains sont des
voleurs et propagent les épidémies à
des travaux en ateliers de filature
pour les femmes et des travaux des
champs pour les hommes. De graves
problèmes sociaux existent, dus à la
chute des manufactures, à l'habitude
de la mendicité, au défaut de police,
à la mauvaise éducation de la
jeunesse, aux jeux publics.
En 1790, le taux de natalité est
estimé à 27,6O % et le taux de
mortalité de 26,9O %. Durant la
période révolutionnaire la population
aurait diminué de 148 habitants et
s'élevait à 1 7O9. La vie à cette
époque est très difficile. Saint-Loup
n'échappe pas à la famine qui règne en
Franche-Comté pendant le terrible
hiver 1789 au point que l'évêque de
BESANCON dispensa de l'obligation de
jeûne et du maigre durant le carême.
Le cahier de doléances rend-il compte
de ces difficultés à vivre - Non -
Comme la plupart des cahiers rédigés
en Mars 89 il suit un modèle type et
ne vous apprend rien de la réalité
quotidienne vécue. Les 25 articles de
ce cahier traitent de la réforme de
l'état, souhaitent la réunion
régulière des Etat Généraux et de la
province à qui reviendrait le droit de
lever et de répartir un impôt unique
payable par tous et justement réparti.
Ils demandent l'abolition des
privilèges et droits seigneuriaux : main morte (servage), des douanes
intérieures, qu'une justice soit
établie et que le commerce soit libre.
Le 23 Mars 1789, cinq représentants de
St-Loup - J.F PHEULPIN, Etienne
LAVOCAT, Joseph BOILLON, Joseph
SIMONIN, Etienne GAUBE partent à
l'Assemblée bailliagère à VESOUL, tenue
dans l'église Saint-Georges, présidée
par Mr ROUX de Raze, lieutenant
général du baillage - assemblée
souvent houleuse où les "Adhérents"
membres du clergé et de la noblesse
éclairés, s'opposent aux "protestants"
membres des mêmes ordres qui refusent
la réunion des Etats Généraux - Le 30
Mars 1789, les députés aux Etats
Généraux sont élus séparément par
chacun des ordres. Clergé - Noblesse
et Tiers Etat. Aucun n'est originaire
de St-Loup. De retour dans le bourg,
les délégués de la cité eurent
beaucoup à dire sur l'Assemblée de
Vesoul.
Il y eut une vive agitation dans la
ville. L'effervescence du printemps
explique sans doute la grande peur qui
dès le 18 Juillet semble motiver la
dévastation des abbayes de Bithaine et
Lure et du Château de Quincey.
Saint-Loup est touchée le 22 Juillet.
L'abbé DESCHARRIERES raconte "que 900
paysans de la Vaivre, Fontaine
Corbenay armés de fusils de haches et
de bâtons, arrivèrent et attaquèrent
la Cure, le Greffe, le bureau de la
ferme des Impôts, et les mirent à
sac". A la cure ils détruisent
seulement les registres. On annonce
que 3 000 hommes de troupes étrangères
se dirigent vers Luxeuil pour
massacrer le Tiers-Etat. La troupe de
paysans se dirige alors vers Luxeuil
mais sans ordre, ni chef, ni soutien -
elle se disperse. Une centaine de ses
membres de retour à Saint-Loup
décident de détruire le vieux château.
Elle se heurte au corps de gardes
placé, par le curé, sur le pont de
pierre, avec un canon chargé de
cartouches. Les "brigands" se
retirent. La tranquillité est rétablie
quand, le 28 les régiments d'Enghien
et les chasseurs de Franche-Comté
arrivent.
L'année 1789 annonce-t-elle une
rupture ? Sans nul doute. Dès
l'automne 1789 les habitants refusent
de payer l'impôt au seigneur et
forment un comité pour gérer la ville
avec l'Abbé Descharrières à sa tête.
La commune en accord avec les bourgs
de Magnoncourt et
Fleurey-les-Saint-Loup achève la
construction de l'Eglise actuelle.
On remarque aux quatre coins de
l'horloge au dessus du portail
d'entrée, les chiffres 1-7-8-9. Le
coût total de l'église est de 83 430
livres ainsi réparti - St-Loup 54 958
Magnoncourt 22 288 - et Fleurey 5 119
-
Le 13 Décembre 1789 une foule
considérable assistait à la cérémonie
d'inauguration de l'église.
L'année 1789 s'achève donc sur une
note jugée consolante - l'inauguration
de la nouvelle église unit dans
l'allégresse une communauté qui avait
dû déjà souffrir de divisions, face
aux premiers événements
révolutionnaires. Saint-Loup connaîtra
encore des bouleversements -
réquisitions alimentaires, famine,
levée en masse de soldats, engagement
du peuple dans la vie politique, lors
de la terreur.
En 1794 Saint-Loup a eu une société
populaire qui organise la surveillance
et les fêtes révolutionnaires. En
1796, le père Grégoire né en 1760 dans
la famille CORNIBERT est guillotiné à
Vesoul le 16 Janvier. Pierre Joseph
CORNIBERT, en religion père Grégoire,
Capucin de Saint-Claude tombe sous le
coup d'une loi qui condamne tout
prêtre qui n'a pas prêté serment et
pas obéi au décret de déportation. Il
est le seul guillotiné de la
Haute-Saône.
Cet événement ne clôt pas l'histoire
de Saint-Loup pendant la Révolution.
Il témoigne des souffrances humaines
durant cette période de mutations
violentes. La ville poursuit sa
modeste destinée dans des conditions
de vie difficile.
D'après les recherches de
Marie-Liesse PIERRE (bulletin
municipal 1989)