ORIGINE DU NOM DE SAINT-LOUP
Il faut d’abord replacer les
événements dans l’ordre chronologique !
(Datation approximative)
Période gallo-romaine (1er au 5e
siècle)
- Domaines agricoles
isolés (villae gallo-romaines,
nombreuses en Haute-Saône).
- Culte : rendu aux dieux
celtes et romains.
Déclin de l’empire romain et incursions
barbares (400 – 500)
- L’évêque de Troyes, un
nommé Leu ou Loup négocie avec Attila (vers
451) pour que la ville de Troyes soit
épargnée. Il n’arrête pas les Huns avec sa
crosse d’évêque comme on le représente… Il
était tellement fier d’avoir envoyé Attila
piller ailleurs, qu’il quitta Troyes et
s’exila pendant deux ans pour s’en
repentir !
- Les domaines
gallo-romains sont abandonnés.
Période de désert (pendant près de 300
ans !!!)
- Colomban s’installe
dans le désert de Luxeuil, vers l’an
600. Les moines commencent à défricher et
une nouvelle population s’installe
progressivement.
- Il n’y a aucune grande
ville en Haute-Saône à cette époque.
- Il n’y a pas de
tradition de transmission orale de la
mémoire, comme dans certaines civilisations.
- On ne sait pratiquement
rien de l’occupation de la région de l’an
500 à Charlemagne, à part quelques
découvertes de nécropoles mérovingiennes.
Période féodale (800 – 1250)
- On trouve les premières
mentions de villages ou d’églises dans les
archives.
- Le territoire est
partagé entre de nombreux petits seigneurs
et les établissements religieux.
- Il n’y a plus de
domaine agricole isolé, trop vulnérable.
- Les populations se
regroupent sous une double protection :
un seigneur (et son
château ou maison forte), et Dieu (une
église).
Nos villages datent
pratiquement tous de cette époque.
- Les lieux de culte
antiques (fanum), sont christianisés
et remplacé par une chapelle, un prieuré,
une fontaine miraculeuse… (exemple, Fleurey).
Le
Moyen Âge
Il faut se replacer dans
l’époque :
- Le peuple est peu
instruit.
- Le peuple est sensible
au merveilleux.
- On raisonne beaucoup
par analogie (forme, couleur, nom…)
Il y a toute une
littérature sur ce sujet.
- utilisation de symboles
(ex : on reconnaît un saint par ses
attributs) ;
- art héraldique ;
- emploi courant de jeux
de mots (ex : l’auberge du Lion d’or
= au lit on dort, et Vincent, patron
des vignerons = vin – sang)
Les saints
Un saint est un
personnage qui a reçu un don de Dieu (par
suite de sa conduite exemplaire), pour
réaliser des miracles (guérisons).
Le saint intercède auprès
de Dieu pour les vivants qui le prient et
lui versent des offrandes (en chandelles ou
en argent).
Choix d’un saint
- Les premières chapelles
et églises, au VIIIe, sont
placées sous la protection de saint Martin
et saint Maurice.
- Au Xe
siècle, avec le développement du culte des
reliques, et des pèlerinages qui y sont
associés, les saints sont plus variés.
Un pèlerinage est une
source de revenus non négligeables pour
l’église, alors si on peut faire venir les
foules une fois par an pour invoquer un
saint « spécialisé » dans une guérison
particulière, c’est tout bénéfice (voir
mon article dans le bulletin Salsa n° 66 !).
- En parallèle, dans
toute l’Europe, on célèbre un âge d’or
perdu.
En France, c’est les
troubadours et trouvères (ceux qui
trouvent), qui chantent les exploits des
preux chevaliers de Charlemagne, et les
moines qui réécrivent la vie des saints.
- En Europe du nord, ce
sont les edda et les saga, de
la mythologie germanique.
Saint-Loup
- Deux Leu ou
Loup ont été sanctifiés : l’évêque de
Troyes (+ 478) et l’archevêque de Sens (+
623).
- Une cinquantaine de
villes et villages de France portent ce nom,
attribué à l’un ou à l’autre (le Pic
Saint-Loup, dans l’Hérault, se rapporte à
l’évêque de Troyes).
Et l’on ne compte pas les
églises placées sous sa titulature !
- Ce saint a été
popularisé vraisemblablement à cause de son
nom (voir plus haut, le Moyen-âge).
- Jusqu’au XIXe
siècle encore, l’archevêque de Sens était
invoqué dans le Gâtinais pour conjurer la
peur du Grand Méchant Loup.
- Saint Eucher, moine de
Lérins, abbaye de cénobites (ce n’est pas
un gros mot) où Saint Loup fut abbé,
écrit à son sujet en l’an 430 :
« Elle a eu Loup, au nom
révéré, qui nous a rappelé le loup de la
tribu de Benjamin (saint Paul) ».
- Je
serais prêt à parier que le nom de
Saint-Loup a été donné à des villages
entourés de forêts peuplées de cerfs, d’ours
et de loups.
Loup et Wotan
- La mythologie
germanique n’est pas connue en France avant
le XIXe siècle.
Si certains voient un
rapport entre ces deux noms, c’est qu’ils
raisonnent comme aux temps obscurs du Moyen
Âge !
- Il s’agit d’ailleurs
d’une fausse étymologie.
Loup vient du latin
lupus.
Wolf a donné ulfus.
- Le nom de ce terrible
animal a été attribué pour désigner une
personne :
Rarement en France (Leloup,
Louvet, Loubet = petit loup).
Le loup était peut-être
considéré au Moyen-âge comme un animal
diabolique ou la réincarnation du diable.
Ne pas confondre avec
Louvier, désignant un chasseur de loups.
Remarque : Loup fut
évêque de Troyes, en 426, après la mort de
saint Ours.
Plus fréquemment chez les
Germains (Rodolphe, Arnoux, Raoul, etc.) où
ce nom représente la force.
- Quelques envahisseurs,
porteurs de ce nom, se sont installés chez
nous et y ont laissé leur nom : Thionville (Théodulphus)
ou Raucourt (Radulfus).
- Les lieux appelés
Chanteloup, La Louvière ou Pisseloup, sont
des toponymes récents (XIIIe –
XIVe ou même XVe
siècles).
- Oddin = Odin = Wotan =
Wodan = Woda = Wota, dieu au Corbeau, n’a
rien à voir avec Wolf, ni avec Whisky, à
part le [W].
Ce dieu est identifié au
Mercure des Romains.
Dans les langues
anglo-saxonnes, le [W] est équivalent à [G]
(Wuillaume = Guillaume ; war = guerre ; wasp
= guêpe… et Wot = Got.
- Lug n’est pas un dieu,
mais un mot signifiant clair, lumineux, ce
qui ne veut pas dire que l’on ne célébrait
pas la beauté du jour ou la lumière.
- Dans le même ordre
d’idée, au XIXe siècle, on a fait
des Ballons des Vosges des lieux consacrés à
Baal…
Ballon vient du germain
bälchen (ou quelque chose comme ça),
qui désigne la tête d’un oiseau, noire avec
une calotte blanche.
LOUIS JEANDEL (décembre
2007)