Après la mort de Charles
de Téméraire, tué devant Nancy le 5 janvier
1477, Louis XI s’étant emparé des deux
Bourgognes, sous le prétexte d’en protéger
l’héritière, la princesse Marie, unique
fille de Charles, qu’il voulait, disait-il,
marier au dauphin son fils, n’ose pas
contester à René d’Anjou la souveraineté de
Saint Loup. Mais ce monarque insidieux
prétextant les plaintes et les réclamations
que cette terre avait occasionnées, proposa
de mettre l’affaire en négociations et de
surseoir à la souveraineté de cette
frontière jusqu'à un temps moins orageux.
René, prince aussi pacifique que généreux,
accéda volontiers, laissant la garde du pays
au Seigneur chargé d’en défendre la sûreté
et la neutralité. C’est ainsi que ce canton,
isolé de toute autre province, devint pays
de surséance, c’est à dire que les habitants
de la seigneurie n’étaient ni Français, ni
Franc-Comtois, ni Lorrains. Saint Loup ne
fit jamais partie du bailliage d’Amont, dans
lequel cependant, il était enclavé.
Saint Loup dut à sa
qualité de terre de surséance d’être
respecté par tous les conquérants d'alors.
C’est d'ailleurs la raison pour laquelle ce
bourg a laissé peu de traces dans
l'histoire, puisque les peuples heureux
n'ont pas d’histoire ! Cette situation
particulière valut à Saint Loup de se
développer à la fin du XVII° siècle et
pendant tout le XVIII° siècle, à
tel point que les Justices du voisinage,
presque sans forces, implorèrent et
obtinrent l’appui de Saint Loup pour se
faire obéir. Les habitants fournissaient
souvent une escorte à tout voyageur qui
réclamait leur secours ou les droits de
l’hospitalité, surtout aux marchands,
presque partout ailleurs dévalisés
impunément.
Le commerce lupéen était
alors très florissant. Les foires de Saint
Loup furent, en ces époques troublées, très
fréquentées. Des villes comme Epinal,
Remiremont, Plombières, Faucogney, firent
avec les Lupéens des traités de commerce
dont ces derniers étaient jaloux et fiers.
Cette espèce d’indépendance accordée au
bourg de Saint Loup et à ses dépendances,
avait l’inconvénient d’obliger les habitants
à se défendre contre les princes voisins,
sans pouvoir s’appuyer d’aucun secours.
Cependant Saint Loup dut son
salut, pendant deux siècles au privilège de
sa surséance. Malgré tous les ravages qui se
commirent autour d’eux, on ne voit pas que
les habitants aient été attaqués. Il est
même certain que leur territoire devenait un
lieu de refuge pour tous les malheureux
d’alentour.
Enfin Saint Loup, pour
avoir maintenu sa surséance par un bon plan
de défense, et avoir observé la plus exacte
neutralité, fut également à l’abri des
vexations et des maux qu’entraînèrent les
deux guerres de la conquête de 1668 et 1674
par suite desquelles tout le voisinage fut
dévasté, Luxeuil rendu par capitulation,
Faucogney pris d’assaut et saccagé.
[SOMMAIRE]
[PAGE SUIVANTE]